samedi 23 janvier 2010

Téléphonie mobile : besoin de service public

C’est une petite bombe dans le monde des télécoms qu’a lancé Bertrand Delanoë à l’occasion de ses voeux pour 2010 ! La Ville de Paris souhaite déployer un réseau mutualisé de micros antennes relais qui pourrait se substituer progressivement aux antennes actuelles. Installé sur le mobilier urbain, ce réseau de téléphonie mobile permettrait à terme une forte réduction de la puissance d’émission des antennes, tout comme des téléphones, sans dégradation de service. Ainsi la Ville de Paris montre à l’Etat la voie à suivre pour concilier le besoin de meilleures performances technologiques – les téléphones multimédias ont décuplé les usages – et l’inquiétude croissante sur les effets sanitaires des ondes, validée par le dernier rapport de l’Affset sur les radiofréquences d’octobre 2009 qui invite les pouvoirs publics à poursuivre les recherches et dans l’attente, à envisager la réduction des niveaux d’exposition de la population.

Paris avait déjà été pionnière en signant en 2003 une charte de bonne conduite avec les trois opérateurs, incluant un processus de concertation ainsi – fait unique en France – qu’un seuil maximum d’exposition de la population fixé à 2 V/m en moyenne sur 24 heures, soit bien en dessous des seuils réglementaires. Mais ces dernières années, y compris dans la Capitale, les conflits se sont multipliés entre des opérateurs peu scrupuleux, confrontés à la saturation de leurs réseaux, et des riverains – soutenus par des associations nationales très mobilisées – criant au scandale sanitaire et réclamant l’application d’un seuil d’exposition de 0,6 V/m en pic – une valeur arbitraire retenue par certains chercheurs en 1999 comme un compromis possible entre technologies hertziennes et protection sanitaire.

Or l’Etat tarde à prendre ses responsabilités. Il aura fallu que la justice ordonne en 2008 les premiers démontages d’antennes pour que le Gouvernement finisse par organiser au printemps dernier un « Grenelle des Ondes » aboutissant à des conclusions ministérielles bien décevantes, hormis l’expérimentation menée actuellement dans plusieurs villes françaises de l’abaissement des niveaux d’expositions aux ondes (à Paris dans les 14e et 15e arrondissements). En matière de téléphonie mobile, 2009 aura surtout été marquée par l’attribution d’une 4e licence d’opérateur à Iliad (Free), l’Etat espérant ainsi aboutir à une baisse des tarifs hexagonaux régulièrement classés parmi les plus élevés d’Europe – à croire que la libre concurrence ne fonctionne pas toujours au profit du consommateur ! Quand les Français attendaient le lancement d’études sanitaires, le déploiement encadré des antennes relais et la révision des seuils d’exposition aux ondes selon le principe de précaution, le gouvernement a jugé plus urgent d’autoriser, pour 240 millions d’euros, le déploiement d’un réseau supplémentaire de téléphonie mobile.

Pour concilier service universel, performances technologiques et protection de la santé, il conviendrait aujourd’hui de faire entrer la téléphonie mobile dans le champ du service public de télécommunications – limité par la loi de juillet 1996 à la téléphonie fixe – sous la forme d’un unique réseau public, partagé entre les différents opérateurs. Cette logique de service public appliquée aux réseaux de télécommunications devrait aussi accompagner le déploiement de la fibre optique. On sait aujourd’hui que pour déployer le « très haut débit », il suffirait à France Télécom de remplacer les parties terminales de son réseau actuel, encore en cuivre, par de la fibre optique. Or là encore, soucieux avant tout de garantir la « libre concurrence », l’Etat a cherché à mettre d’accord les divers opérateurs privés pour qu’ils acceptent de partager les investissements et les infrastructures, ce qui devrait aboutir à un patchwork de réseaux... dans les seules zones denses (environ 5 millions de foyers) ! Pour déployer la fibre optique dans le reste de la France, l’Etat vient d’annoncer qu’il investira près de deux milliards d’euros au titre du grand emprunt. Mais il n’est même pas sûr que cet investissement public suffise à convaincre les opérateurs de prendre un risque financier dans des zones qu’ils jugent non rentables.