jeudi 1 septembre 2011

Les enjeux autour du collège unique occultés du débat pour 2012 ?

source : www.parti-socialiste.fr

Cette année encore, plus de trois millions d’élèves feront leur rentrée au collège dans une surprenante indifférence politique et médiatique. On entendra certes les syndicats, comme chaque année, dénoncer les suppressions de postes. 4800 postes d’enseignants en moins dans le secondaire (collège et lycée) pour 80 000 élèves supplémentaires ! L’équation semble aberrante, mais les ravages sont plus discrets que dans les écoles où un enseignant en moins se traduit par une suppression de classe et des parents très vite mobilisés. Au collège, les effectifs par classe s’alourdissent au fil des années, les travaux en demie classe disparaissent, les remplacements sont de moins en moins assurés et les travailleurs précaires de plus en plus nombreux. Le collège souffre en silence. Seules ses bouffées de violence lui donnent accès aux médias.

Le collège est un monde à part, un fragile bouillon de culture commune, un révélateur aussi des tensions de notre société. Les enfants de tous milieux et de tous niveaux se frottent aux savoirs disciplinaires et aux divers professeurs qui les incarnent, ils font le  rude apprentissage du travail personnel et de l’évaluation sanction, tout en vivant leur propre mue adolescente dans un cadre collectif rarement serein. Les enseignants peinent souvent à prendre en charge des élèves si divers, pour qui l’école ne fait pas toujours sens ou qui rechignent à respecter les règles. C’est là aussi que s’opère un premier tri social, cristallisant les inégalités scolaires et dessinant les avenirs individuels. Dernier échelon de la scolarité commune, le collège est directement exposé à la critique des comparaisons internationales de type PISA, venues confirmer combien les écarts de niveau se creusent, avec une croissance inquiétante du nombre d’élèves en grande difficulté (environ 15% des collégiens) et une reproduction sociale des inégalités scolaires supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE.

Ces dernières années, la droite a discrètement pris pour cible le collège, dont les maux sont vus comme autant de preuves d’échec des politiques de mixité sociale. Dépeçage des moyens humains jusqu’à l’os dans le public mais financement accru du privé, mise en concurrence des établissements publics entre eux par la désectorisation, démantèlement de la formation des enseignants… Au nom du libre choix éducatif et d’une pseudo égalité des chances, les gouvernements successifs ont encouragé les stratégies individualistes des familles et méthodiquement déstabilisé le service public d’éducation nationale en se concentrant sur son échelon le plus fragile, le collège.

Pour l’après 2012, l’UMP veut en finir pour de bon avec le collège unique instauré par le ministre René HABY en 1975. Malgré de réels clivages internes, deux conventions tenues en novembre 2010 et juin 2011 lui ont permis de préciser son programme pour « passer du collège unique au collège pour chacun ». Le parti présidentiel développera des établissements de réinsertion scolaire pour les perturbateurs et les décrocheurs. Il rétablira un examen d’entrée en 6e et permettra au chef d’établissement de recruter son équipe enseignante. En ville, les élèves seront regroupés dans des collèges par classe plutôt que par quartier (un collège pour les 6e-5e, un autre pour les 4e-3e) et des filières pré-professionnelles seront récrées dès la 4e – des « prépa pro » ou encore des classes « métiers-études ».

Bref, un projet rétrograde et dangereux ! Rétrograde car à contre-courant des recherches scientifiques qui convergent pour montrer la supériorité des modèles éducatifs dotés d’un tronc commun allongé et intégré, avec des classes hétérogènes excluant les filières précoces. Dangereux aussi dans son renoncement à faire progresser le niveau d’éducation, la cohésion sociale et l’unité nationale dont notre République a tant besoin.

Que propose le PS pour réinventer le collège unique ? Adopté par la convention du 28 mai 2011, le projet socialiste pour 2012 inclut un ambitieux volet éducatif, mettant l’accent sur la petite enfance et le début de la scolarité, mais aussi sur l’enseignement supérieur. Toutefois  il n’y est guère question du collège, qui n’est même pas cité en tant que tel. Tout juste les socialistes s’engagent-ils à « améliorer la transition à l’entrée en sixième » et à élaborer de nouveaux programmes « combinant de solides bases disciplinaires, une pédagogie du projet, de l’expérimentation et du travail en équipe, et une place accrue données aux activités artistiques et culturelles, à l’expression orale et à l’enseignement technologique ». Des propositions essentielles sont aussi formulées pour revaloriser le métier d’enseignant, rétablir pour eux une véritable formation initiale, mobiliser l’ensemble des acteurs autour de projets éducatifs locaux et rendre plus efficace l’éducation prioritaire et la sectorisation – qui sera revue en intégrant un indice de mixité sociale et en y impliquant le privé.

Les principaux candidats socialistes à la présidentielle sont-ils prêts à réformer le collège ? On peut en douter du côté de François HOLLANDE qui, dans son projet présidentiel, donne priorité à la réduction de la dette publique et n’envisage d’éventuelles créations de postes qu’au primaire et sous forme de redéploiements. Or aucune réforme structurelle valable ne sera possible au collège sans y remettre en même temps davantage de moyens humains, au moins dans les établissements les plus sensibles. Dans sa Lettre aux Français, Martine AUBRY propose clairement des recrutements nouveaux là où ils sont le plus nécessaires. Elle fait aussi de la lutte contre l’échec au collège une priorité. Dans une interview au Monde du 1er septembre, elle développe des pistes stimulantes pour une « refondation de l’école ». Mais elle devra faire des choix parmi la variété des points de vue présents dans son entourage.

Solférino compte encore quelques nostalgiques de « l’école fondamentale », qui n’ont pas digéré les arbitrages des années 1970-1980 en faveur de l’unification du corps enseignant au collège sur le modèle du secondaire. Oui, il faut davantage d’unité et de cohérence sur l’ensemble de la scolarité obligatoire. Mais faire du rapprochement avec l’école primaire, notamment de la polyvalence des enseignants, la clé de voûte de la réforme du collège, c’est se mettre à dos toute une profession et vouer ainsi à l’échec toute réforme structurelle, alors que rien ne prouve la pertinence de cette proposition. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui avec une authentique aspiration démocratique, s’accrochent à la notion de « socle commun de connaissance et de compétences » introduite par la loi Fillon de 2005. Hélas ils n’en perçoivent pas les effets pédagogiques délétères à l’œuvre aujourd’hui via le Livret Personnel de Compétence (LPC) et l’émergence d’un enseignement à deux vitesses : les programmes et la préparation au lycée pour les bons élèves, le socle et l’orientation précoce pour les autres. Beaucoup à Solférino insistent enfin sur la « personnalisation » des réponses éducatives, une intention louable, à condition qu’elle s’appuie sur des pédagogies différenciées mises en œuvre d’abord au sein de la classe hétérogène, plutôt que sur la reconstitution de classes de niveau et donc d’un collège à plusieurs vitesses.

Pourtant, ni les idées ni les bonnes volontés ne manquent pour construire, en partant de l’existant, un collège unique plus juste, plus humain, plus ambitieux. Pour le PS, on lira avec intérêt le rapport Un collège commun et ambitieux publié fin 2010 par le Laboratoire des Idées, présidé par le député Christian PAUL. Mais il est surtout frappant de constater – malgré quelques vieux clivages et d’incontournables débats sémantiques – les convergences qui se dessinent au fil des divers travaux et  colloques que les acteurs du monde éducatif ont récemment consacré à ces questions. On retiendra notamment la refonte des rythmes scolaires (emploi du temps hebdomadaire et rythme annuel repensés, intégration du travail personnel au temps scolaire…) ; la redéfinition des programmes et de l’architecture des enseignements disciplinaires pour des contenus plus accessibles et mobilisateurs ; la formation et l’encouragement des enseignants aux pédagogies différenciées, actives et coopératives, à d’autres formes d’évaluation, au travail en équipe et au tutorat ; une véritable coopération de tous les acteurs éducatifs à l’échelle de l’établissement et du bassin de formation ; une autonomie pédagogique accrue des établissements dans un cadre règlementaire national (programmes et horaires obligatoires) et avec des moyens pérennisés…

Il serait regrettable que la Gauche, empêtrée dans des débats idéologiques désuets, bâtisse un projet éducatif pour 2012 qui occulte la question du collège, laissant le champ libre à la Droite pour préparer l’opinion à l’extraordinaire régression éducative que serait le démantèlement du collège unique.

 
Quelques pistes de lectures :