lundi 4 avril 2011

Les enjeux souterrains de la transition énergétique

source : www.paris.fr
L'accident nucléaire de Fukushima a mis dramatiquement en relief le défi écologique auquel sont confrontées nos sociétés modernes, celui d'une transition vers des énergies propres et renouvelables. L'énergie phénoménale dégagée par le séisme, qui a provoqué le tsunami à l'origine de l'accident, est aussi à mettre en regard de notre dépendance énergétique vis-à-vis des ressources du sous-sol. A défaut de savoir mettre le soleil en boîte, nous devrons toujours faire la part belle, dans notre "bouquet énergétique", aux énergies du sous-sol. Encore faut-il ne pas se tromper d'objectif...

Vendredi dernier, le Maire de Paris inaugurait une installation pionnière de chauffage par la récupération de chaleur des égouts. Ce procédé écologique innovant, incluant une pompe à chaleur, équipe désormais l'école de la rue de Wattignies (12e) dont les besoins annuels en chauffage seront couverts à plus de 70% par cette énergie nouvelle, qui se substitue au gaz de ville. L'école devrait ainsi diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre. A terme, d'autres installations verront le jour et la chaleur des égouts de Paris pourrait théoriquement chauffer jusqu'à 10% de ses habitants ! L'installation de la rue de Wattignies a été réalisée pour le compte de la Ville de Paris par la Lyonnaise des Eaux (groupe GDF Suez) et la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU) qui est aussi une filiale de GDF Suez. Près d'un quart des Parisiens utilise la chaleur de la CPCU, issue à 46% de l'incinération des déchets ménagers non recyclables. La CPCU cherche désormais à développer la géothermie, avec notamment deux puits récemment creusés à 1800 mètres de profondeur dans le Nord-Est de Paris. L'Île-de-France représente un potentiel géothermique important, qui fait l'objet d'un plan de relance voté par le Conseil régional en 2008.

Qu'il s'agisse de géothermie ou de chaleur des égouts, une entreprise comme GDF Suez sait investir dans les énergies renouvelables, pour peu qu'elle y soit incitée par les pouvoirs publics. La fièvre de l'or noir n'a pas pour autant fini de galvaniser les multinationales de l'énergie... C'est ainsi que le même GDF Suez, mais aussi Total et Schwepbach Energy, ont obtenu de l'Etat en 2010 trois permis de prospection de gaz de schiste dans une vaste zone d'environ 10 000 km² s'étendant de Montélimar à Montpellier ! Jeudi dernier, le groupe socialiste du Conseil régional d'Île-de-France organisait l'avant première du film documentaire Gasland qui décrit les ravages causés aux Etats-Unis par l'exploitation massive des gaz et des huiles de schiste depuis quelques années. Outre qu'elle poursuit la logique délétère de recours aux énergies fossiles, cette exploitation d'un gaz et d'un pétrole dits "non conventionnels" utilise en effet une technique de "fracturation hydraulique" du sous-sol nécessitant des quantités d'eau gigantesques et provoquant des pollutions dramatiques des nappes phréatiques.

L'Île-de-France sera-t-elle touchée par la fièvre du gaz de schiste ? Toreador, une petite société française liée à Julien Balkani (demi-frère de Patrick, proche de Nicolas Sarkozy), se prépare à un premier forage exploratoire d'huile de schiste à Doué (Seine-et-Marne). Mais ici comme en Ardèche ou sur le Larzac, citoyens et politiques se mobilisent. Une pétition nationale circule, des manifestations jaillissent, la droite semble se diviser, et les députés socialistes préparent pour la mi-mai un proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des huiles et gaz de schiste. Reste la collusion initiale entre décideurs publics et intérêts privés, au détriment de l"intérêt général.

Pour faire les bons choix face au défi énergétique qui nous attend, ne serait-il pas plus sage de recréer un pôle public de l'énergie, qui inclurait les grandes entreprises françaises de l'électricité, du gaz et du nucléaire, tout en garantissant une forme de contrôle public sur Total ? Ce serait un outil efficace pour assurer à la fois la sécurité d'approvisionnement énergétique du pays, l'accès de tous à une énergie à prix modéré et un investissement massif dans les énergies propres et renouvelables.