jeudi 23 septembre 2010

"contre-réforme" et (petite) révolution


À nouveau ce 23 septembre, la mobilisation populaire est venue frapper aux portes du gouvernement pour lui manifester combien il s’est coupé du peuple ! Or déjà ce matin, l’Elysée tentait de minimiser l’événement. Quant à François Fillon, il déclarait mardi : « Nous avons suffisamment combattu ensemble l’extrême droite pour demander aux responsables socialistes de ne pas se compromettre avec une extrême gauche qui conteste nos institutions démocratiques et dont le programme économique est archaïque ». Outre l’amalgame grossier entre l’extrême droite et les diverses composantes de la gauche présentes à Vieux-Boucau dimanche dernier autour du porte-parole du PS Benoît Hamon, cette tirade traduisait déjà la crainte d’un gouvernement qui pour remettre en cause un progrès social fondamental, le droit à la retraite à 60 ans, a fait le choix de la confrontation avec les forces sociales et parié sur la résignation des Français.

Le conditionnement médiatique nous avait pourtant bien préparé à accepter cette "contre-réforme". « Repousser l’âge de départ à la retraite est une nécessité largement admise. Sauf à entretenir un mensonge général sur la capacité de l’Etat à financer le système, il faut bien regarder les réalités en face », pouvait-on par exemple lire le 9 septembre dernier dans l’éditorial du pourtant progressiste Le Monde… Et Benoît Hamon, dans une tribune percutante, de déconstruire ces prétendues réalités, en montrant notamment que le salarié français est tout sauf un privilégié en Europe en matière de retraites. Comme le rappelait hier un article de Liêm Hoang Ngoc, les propositions du PS esquissent ce que pourrait être une réforme juste et progressiste, qui taxe les revenus du capital et des banques, s’attaque aux nombreuses niches sociales et fiscales injustifiées, tout en menant une politique économique alternative, qui relève la part des salaires dans la valeur ajoutée et donne priorité à l’emploi.

Profitons du temps libre, partageons les richesses ! L’enjeu n’est pas nouveau. Depuis deux siècles, l’espérance de vie augmente. Depuis un siècle, grâce aux luttes sociales et politiques, le temps de travail diminue (durée hebdomadaire, congés payés, pensions de retraites). Et pendant ce temps la richesse nationale n’a cessé d’augmenter ! Ces trente dernières années, la part de cette richesse attribuée aux salaires a néanmoins perdu 10 points au profit du capital. Cette question est au cœur de l’appel initié par Attac et la fondation Copernic, qui a débouché sur plusieurs meetings unitaires et de nombreux comités locaux. Le comité unitaire du 12e rassemble ainsi des organisations syndicales, politiques (du PS au NPA) et des associations autour du mot d’ordre repris sur son tract : « pour le maintien de la retraite à 60 ans, partageons les richesses ! ».

Le rassemblement de la gauche dans la mobilisation sociale devra trouver un débouché politique. C’est l'une des leçons que je retiens de la belle réunion publique organisée hier soir par le comité du 12e. Au-delà des divergences réelles, sur la durée de cotisation par exemple, nous avons mis en avant une analyse partagée des enjeux de cette "contre-réforme" et notre conviction que l’unité d’action est aujourd’hui la seule réponse possible à la politique destructrice et incendiaire de la droite. Comme je l’ai dit hier soir, il n’est pas question d’enjamber la mobilisation sociale actuelle et de dire que l’avenir des retraites se jouera en 2012 : notre énergie doit être tout entière, au Parlement et dans la rue, contre le projet du gouvernement. Néanmoins, à moyen terme, il est indispensable que cette unité dans la mobilisation sociale trouve un débouché politique. C’est tout le sens des interventions de Jean-Vincent Placé (Les Verts) et de Pierre Laurent (PCF) au Vieux-Boucau dimanche dernier. Tous deux ont affiché leur volonté de trouver d’ici l’été 2011 un accord politique qui rassemble la gauche, un « pacte d’union populaire » (P. Laurent) qui esquisse pour 2012 non une simple alternance mais une véritable alternative.

Un gouvernement de transformation sociale supposera non seulement une gauche rassemblée mais un PS qui change sa culture de gouvernement. A cet égard, Benoît Hamon rappelait dimanche combien la mobilisation sociale avait été cruciale pour la mise en œuvre par le gouvernement de Front populaire de la « petite révolution » de 1936, comme l’appelait Léon Blum. Mais sans attendre la petite révolution de 2012, il s’agit dès maintenant de poursuivre et d’amplifier la mobilisation sociale contre le projet de réforme des retraites !


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