mardi 14 septembre 2010

Enseigner, comme si de rien n’était


Ce n’était pas arrivé depuis quarante ans ! Dans les collèges et les lycées, la rentrée des élèves fut marquée cette année par deux journées consécutives de grève. Elles mobilisèrent très largement des personnels remontés contre un gouvernement qui non content de dégrader chaque année un peu plus les conditions de travail de l’école publique, bazarde la formation professionnelle des enseignants et reporte l’âge de départ à la retraite des salariés ! J’enchaînai trois manifestations en quatre jours, la première dès le samedi quatre septembre – jour anniversaire de la proclamation de la IIIe République – pour répondre à l’appel citoyen lancé cet été suite aux mesures inégalitaires et xénophobes annoncées par le Gouvernement sur la déchéance de la nationalité et au sujet des Roms. Sur le chemin du retour au collège, perplexe, je méditai cette phrase de Salim Abdelmadjid lue dans la presse : « L’inacceptable se sédimente, imperceptiblement d’abord, jusqu’à atteindre un seuil, qui n’apparaît peut-être jamais que rétrospectivement, au-delà duquel il déborde. […] Résister, ce ne peut pas être seulement intervenir au moment du débordement, ce ne peut-être que résister continuellement à la sédimentation de l’inacceptable » (texte complet à lire sur lemonde.fr).


Je débutai mes cours de Troisième avec les Tziganes : un vrai cas d’école ! Rien de tel dans l’actualité récente pour mesurer combien l’histoire, la géographie et l’éducation civique aident à la compréhension du monde d’aujourd’hui. Quelles institutions ont décidé le démantèlement des camps de Roms et les expulsions vers la Roumanie ou la Bulgarie ? Ces mesures sont-elles légales au regard de la Constitution française (dernier rebondissement hier dans la presse) et au regard des normes européennes ? Quelles différences entre les Roms arrivés d’Europe de l’Est depuis la chute du Mur de Berlin, les Roms au sens de l’U.E., les Gitans français de Saint-Aignan ou ceux que mes élèves côtoient dans leur quartier ? De quel crime contre l’humanité les Tziganes européens ont-ils été victimes pendant la Seconde Guerre mondiale ? Quelles discriminations subissent-ils encore aujourd’hui ? Quels progrès représente pour eux l’élargissement de l’U.E. ? Bref, j’enseignai, comme si de rien n’était…


Nota Bene : l'image en tête de cet article est la couverture du livre d'Henriette Asséo, Les Tsiganes, Une destinée européenne, Découvertes Gallimard, 1994


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