jeudi 25 novembre 2010

Un nouveau pacte éducatif pour plus d’égalité


Dans le combat pour le progrès social, le système éducatif ne peut pas tout ; mais il reste déterminant pour agir à la racine des inégalités. Ce n’est donc pas un hasard si le projet éducatif du PS occupe une place majeure dans le texte sur « l’égalité réelle » qui sera soumis au vote des adhérents socialistes le 2 décembre, avant sa ratification en convention nationale le 11 décembre.

Pourquoi proposer à la Nation un nouveau pacte éducatif ? Il y a d’abord urgence à inverser la logique de démantèlement que la droite fait subir à l’école publique, par la mise en concurrence des établissements, par leur étranglement financier et par la remise en cause de la formation des enseignants. Les socialistes devront surtout transformer une école républicaine restée très élitiste, où la reproduction sociale marche à plein et qui creuse les écarts de niveau scolaire. Alors que la France est appelée à relever son niveau de qualification pour assurer son avenir, le taux de bacheliers au sein d’une génération stagne autour de 60-65% depuis une quinzaine d’années, on assiste même depuis peu à un recul de la scolarisation des jeunes de 18 ans. Une nouvelle politique de démocratisation scolaire s’impose !

Nos réformes s’appuieront sur une augmentation substantielle de la dépense éducative, alors qu'elle est passée de 7,6% à 6,6% du PIB entre 1995 et 2008. L’effort devra porter notamment aux deux bouts de la chaîne éducative. D’un côté, la création d’un véritable service public de la petite enfance et l’instauration de la scolarité obligatoire dès 3 ans sont primordiales pour lutter contre les inégalités à la racine. De l’autre côté, l’alignement des conditions d’études à l’université sur celles des classes préparatoires apparaît indispensable pour lutter contre l’échec massif en 1er cycle et contre la reproduction sociale des élites.

Mais pour réussir, nos réformes devront aussi repenser le temps de la scolarité obligatoire. Ainsi les rythme éducatifs doivent être adaptés, à tous les niveaux, aux rythmes propres des enfants : nous rallongerons l’année scolaire et nous organiserons la semaine de cinq jours, assurant aux élèves des journées mieux équilibrées. L’accompagnement du travail personnel sera inclus dans le temps éducatif, au sein de l’école, au moins jusqu’en 5e. L’acquisition d’une culture commune par l’ensemble des élèves supposera aussi d’ouvrir une large concertation, avec les citoyens et les personnels, sur les finalités de l’Ecole, dont le fonctionnement actuel repose encore trop sur la sélection par l’échec. Le débat devra porter sur les contenus, comme sur les méthodes d’apprentissage et d’évaluation.

Les socialistes ne pourront se contenter de reprendre le « socle commun de connaissances et de compétences » : sa mise en œuvre par la Droite a conduit à une inflation de référentiels dont les contenus et les modalités de validation sont aujourd’hui critiqués par beaucoup d’enseignants. Nous devrons affirmer une vision de gauche, plus ambitieuse, sur les savoirs et les compétences attendus d’une éducation républicaine. Cette culture commune, pour être acquise par tous, impliquera d’en finir avec le redoublement – cher et scolairement inefficace – au profit d’une pédagogie individualisée, mais inscrite dans le cadre privilégié de la classe, s’appuyant sur le travail d’équipe, sur la rénovation des disciplines et sur la remise à plat des modes d’évaluation. Ces transformations permettront notamment d’assurer enfin le succès du collège unique.

L’écart entre les établissements de centre ville et ceux des quartiers populaires ne cesse de se creuser. Or loin de ne bénéficier qu’aux plus faibles, l’hétérogénéité fait progresser l’ensemble des performances scolaires. Ainsi la ségrégation à l’œuvre dans l’Ecole française est tant injuste qu’inefficace. Nous devrons donc renouveler et renforcer la carte scolaire en ajoutant aux critères géographiques un indice de mixité sociale, auquel l’enseignement privé sera également soumis. Et il faudra donner réellement plus de moyens à l’éducation prioritaire, de façon à augmenter les taux d’encadrement, mais aussi à créer des options attractives et valorisantes.

Les enseignants seront au cœur du pacte que nous voulons construire entre la Nation et son école. Sollicités pour mettre en œuvre les nécessaires transformations du système éducatif, ils devront voir leur métier revalorisé, y compris leurs salaires. Ravagée par la droite, leur formation professionnelle devra être rebâtie, avec un recrutement en fin de 4e année universitaire (master 1), puis une année de stage rémunérée (5e année, master 2) suivie d’une année de formation continuée avec un service réduit. Afin de garantir une plus grande mixité sociale dans le recrutement des enseignants, nous mettrons aussi en place un système de pré-recrutement.

Ne donne-t-on pas une place excessive à l’école, au détriment de l’égalité sociale ? C’est la question troublante que posent François Dubet, Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout dans Les sociétés et leur école (Seuil, 2010). En comparant entre eux une trentaine de pays, les auteurs constatent qu’une forte emprise du diplôme sur le destin social contribue paradoxalement à accroître les inégalités scolaires et la reproduction sociale. Quand un pays comme la France considère que le diplôme doit déterminer strictement la position sociale, la lutte pour son obtention pèse lourdement sur le système scolaire, au détriment de sa dimension éducative et culturelle. Bref, trop d’école tue d’école ! Au-delà de sa thèse polémique sur « l’inflation scolaire », ce livre est une invitation salutaire à bâtir une école moins utilitariste, tout en cherchant à diversifier les voies de l’égalité réelle.

Lien vers le texte de la convention "égalité réelle"


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